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Rouler au Vietnam
Écrit par Chrise&Semeac   

  

 Une chose déroutante de la vie Vietnamienne pour un Tây Lambda quand il atterrit au Viêt Nam et qui le malmène tout de suite dès sa sortie de l’aéroport, c’est la circulation des engins motorisés ou non, sur l’asphalte de toutes les villes du pays. Vu que pour visiter, il faut se déplacer d’un point à un autre, on est alors, tous les jours, en première ligne, dans des champs de bataille qu’on finit cependant peu à peu et au fur et à mesure du séjour par intégrer, pour qu’à notre retour dans une France policée, on songe avec nostalgie à ces trépidations qui pourtant nous choquaient au premier abord.

Pas la peine de faire un dessin, regardez plutôt cette video :

 

http://www.youtube.com/watch?v=wBqMj7Cr9FE

 

 La circulation routière, comme bons nombres d’acquisitions issues de la colonisation, a une connotation Française. Il y a un code de la route en vigueur qui ne déroute pas un conducteur Français, avec des panneaux de signalisation relativement habituels, le roulage à droite , les pas-très-logiques priorités à droite et contournements par l’arrière des véhicules dans les carrefours quand vous voulez tourner à gauche (le croisement à l’Indonésienne rend les carrefours plus fluides). Il y a donc un permis de conduire en bonne et due forme et comme en France, à partir de 50 cm3 pour les 2 roues. Il y a des passages cloutés qui ne servent à rien et des feux tricolores avec décomptage du temps restant, aussi bien pour le feu vert que le feu rouge. Le temps est relativement court, souvent pas plus de 30 secondes. Ce dispositif est très pratique pour adapter son comportement face aux feux et ce serait une bonne idée si on l'importait en France.

 

 C’est l’interprétation Vietnamienne de ce code de la route qui déroute. C’est bien similaire à ce qui se passe dans certains pays méditerranéens mais ici, c’est exposant 3, à cause du nombre de véhicules en circulation. Cette interprétation est commune à l'ensemble des conducteurs et même, apparemment, aux forces de l'ordre qui ne trouvent rien à redire. Il y a quand même des irrégularités vu qu'il y a des contraventions. Celles-ci  font leurs effets. Les règles du moment, dans le collimateur des autorités, sont de plus en plus respectées. Par exemple le port du casque. Lors de mon précédent voyage en 2006, au début de l’obligation du port du casque, c’était assez folklo, tout était utilisé, de la simple casquette un peu couvrante au casque de chantier blanc en passant par celui de Bo Doi. Maintenant, tout le monde porte un casque léger mais dont je doute qu’il passe avec succès  un crash-test européen. Plus qu’en France, on arrive à distinguer un casque pour homme de celui pour femme. La féminité passe avant la sécurité et un chignon ne peut souffrir d'être écrasé.

 

 

A défaut d'être protecteurs, ils sont seyants, imitant le cuir ou le tissu pour certains et la casquette enveloppante pour la plupart. Les oreilles sont bien dégagées, la visière bien vissée. La chaleur en été peut expliquer ceci, les vitesses atteintes en ville  peuvent expliquer cela mais j'ai vu ces mêmes casques foncer à 100km/h sur les portions d'autoroutes. La seule autoroute se trouve dans le Delta du Mekong, la vitesse y est limitée à 100 km/h, elle est bien sur payante mais les grandes routes le sont également. L'esprit est ici identique aux bombes des cavaliers équestres. La hauteur de chute du haut d'un cheval est bien supérieure à celle d'un Xe May.

Le prix du casque est du montant de la contravention. Je regrette de n'en avoir  pas acheté, j'ai bien précédemment acheté des casques de Bo Doi et ai hésité à ce voyage à ramener un chapeau cônique. En tout cas, je peux affirmer, fin 2011, dans les agglomérations du Viêt Nam, que quasiment tout le monde porte un casque et que les policiers doivent trouver d'autres motifs pour dresser d'éventuels procès-verbaux.

Un chapelet de casques sur le bord du chemin comme pour une prière au Génie de la Route. Durant tout mon séjour, je n'ai  assisté à aucune scène d'accident, tout au plus 2 glissades, avec du sang quand même vu qu'ils roulent tous en short et sandales.

 

La police est très très présente, on la voit partout, bien plus qu'en France. Je n'ai pas bien compris le distingo entre celle portant des uniformes beige-marron et celle en uniformes Vert-kaki. En tout cas les 2 arrêtent à tour de bras. Elle est dotée de radars mobiles bien plus planqués qu'en France, nous avons été témoin de leur efficacité sur notre propre chauffeur qui s'est fait arrêter alors que ni lui ni moi ni personne avons pu voir leur poste de guet. Entre chauffeurs, la communication sur l'emplacement des Pandores est bien plus diversifiée que les appels de phares. Il existe toute une gestuelle entre chauffeurs, qui fait penser aux dialogues entre sourds. La confrontation avec les forces de police est à l'image de ce qui se pratique dans les pays du Maghreb. Dans notre cas: 1,2 Million de Dongs si le procès-verbal se fait par écrit, sinon on s'en tire avec 600 000 Dongs. Les fins de mois ne doivent pas être trop pénibles.

La Police est équipée de jolies motos Honda 250 cm3 avec girophare et grosse sirène qui couvre sans problème la cacophonie ambiante. 250 cm3 c'est ici, du domaine de la grosse cylindrée. La majorité des 2 roues  cube 2 fois moins. On peut dire que la Police a la suprématie du terrain. Ici aussi ils vont par 2 mais souvent sur une seule moto, économie oblige. Je n'ai vu que quelques rares grosses cylindrées, supérieures à 1000 cm3 et uniquement dans les grandes villes. Une Hayabusa, une Honda Rhune 1800 et une qui se faufilait entre les véhicules et dont je n'ai pu distinguer la marque. Les possesseurs de grosses motos se fédèrent dans des clubs et font quelques sorties annuelles remarquées. Posséder une grosse moto ici, plus qu'en France, vu qu'on ne peut utiliser qu'une infime partie de ses possibilités, relève bien sûr de l'image que l'on veut montrer de son statut social et de son patrimoine financier. Le prix des grosses motos vendues au Viêt Nam est supérieur à celui pratiqué en France. C'est pareil pour les gros 4X4 Lexus ou Cayenne. Il y a des riches partout.

Voici l'engin typique des rues Vietnamiennes, qu'on ne voit pas trop en France. Grandes roues 16'', protection des jambes, 4 vitesses au pied, embrayage automatique, transmission par chaîne carénée, 125 ou 150 cm3, 9,5 cv, 1,1 m.kg, 105 kgs . Un utilitaire, la PC800 serait trop encombrante ici. Actuellement, il s'appelle Future, Wave. Auparavant il s'appelait Dream II et encore avant Cub. Les Honda sont une institution, elles ont démontré leur fiabilité ici comme partout dans le monde. Elles sont très appréciées même si ces derniers temps, il y a pas mal de rumeurs faisant état d'auto-inflammations de Wave non expliquées. La concurrence a abondé dans ce style.

Là, c'est Yamaha, si ce n'est pas du copier-coller. Suzuki propose également à peu près le même look. Généralement les marques Japonaises sont prisées et se négocient au prix fort, aux alentours de 30 Millions de Dongs. Les marques Coréennes emboîtent le pas. avec des prix bien plus concurrenciels.

Les scooters ont de plus en plus pignon sur rue. C'est bien plus maniables et pour des engins destinés à la ville c'est bien suffisant. Je n'ai pas vu de scooters à 3 roues qui ont le succès qu'on leur connait en France. Peut être sont ils trop encombrants, ou leur argument de stabilité de par leurs 3 roues n'accueille pas la même attention sur une population accoutumée aux 2 roues depuis sa plus tendre enfance.

 

Piaggio et sa marque Vespa se fait remarquer, prestige de l'ancienneté. On a gardé en mémoire le périple Paris/Saigon en Vespa 125 dans les années 50 en moins de 50 jours. Bien sur, les concurrents Taiwannais ou Coréens sont sur le créneau. La gent féminine est sans doute plus attirée par ce type d'engin.

 

La gloire de Honda dans les années 60, un Super Cub dans sa livrée d'origine et sa suspension à balancier. Sorti en 50, il a été décliné en 70, 90, 100, 110 cm3. On en voit encore pas mal qui roulent et pas que le dimanche, indestructible. Au Japon, de nos jours, il en sort encore des chaînes de fabrication.

En 2006, un reportage sur la Chaîne "discovery Channel" le classe meilleur deux-roues jamais construit pour ses caractéristiques avérées d'économie, de facilité et de solidité, mais surtout du fait du grand nombre de machines produites.

50 ans après son lancement, le Cub est encore en production ! Il dépasse en 2008 les 60 million d'exemplaires, et peut par conséquent se vanter d'être le véhicule le plus produit au monde! Il a largement contribué au succès de son constructeur, Honda Motors. Le Super Cub est alors exporté vers 160 pays et produit dans 13 d'entre eux.

Au Vietnam, le Cub est si populaire que les gens donnent le nom de "Xe Honda" à tout véhicule à deux roues ! (source: super-cub.net)

 

Normalement, il n'y a que 2 places. Mais à 4 c'est possible et même assez fréquent. La plupart des enfants ne portent pas de casque, question d'argent? question de taille? Dans le règlement on ne doit circuler qu'à deux au maximun. Au niveau tenue vestimentaire, c'est très varié. Par ici, les vendeurs d'habits spécifiques motards ne doivent pas faire fortune.

 

En parlant d'utilitaire, ils savent ici ce que cela veut dire. J'ai vu en librairie un bel album de photos de chargements plus improbables les uns que les autres. Tout peut être transporté à dos de moto, la bête de somme du Viêt Nam moderne. Déjà, ils le faisaient sur leurs vélos, les motos sont dans la suite logique des choses.

 

C'est dans le flot de la circulation qu'on a l'impression que les Vietnamiens, comme les poissons vivant en banc, sont dotés de capteurs situés sur une ligne le long de leurs flancs, des capteurs sensoriels,  sensibles aux champs électro-magnétiques provoqués par les contractions des muscles de leurs congénères et qui fait que le banc entier réagit comme un seul homme. D'ailleurs Individu en vietnamien se dit Ca Nhan et Ca signifie poisson. Conduire ici demande une dose d’accoutumance et un sens du qui-vive de tous les instants. Il faut avoir l’œil à tout et partout autour de vous. Il faut souvent anticiper et prévoir ce que l’autre cherche à faire. La main droite et le pied droit sont constamment sur les freins et on est soulagé de n’avoir point de levier d’embrayage à manipuler. L'autre peut survenir de partout et même partout à la fois. de derrière, sur votre gauche comme sur votre droite, de devant sur votre gauche comme sur votre droite, déboulant d'un trottoir, à reculons...tous les cas de figures sont à envisager. Heureusement que cet autre est doué des mêmes réflexions que vous: que cherche-t-il donc à faire? 

 

 La loi du plus gros est de mise, un modeste 2 roues ne fait pas le poids devant un bus de 50 places et les conducteurs respectifs le savent. Le plus léger au bout du compte cède, même s’il a tenté de prime abord de forcer le passage. Le conducteur du car, d’un lourd coup de klaxon, rappelle au prétentieux la réalité de la situation. Le klaxon, contrairement à l’utilisation qu’on en fait en France, n’est pas synonyme d’engueulade. On klaxonne pour prévenir de sa présence, pour dire attention-j’arrive. Tous les interlocuteurs l’interprètent de cette façon et il n’y a pas de visages courroucés et de vociférations dans ce concert de klaxons qui ne stresse que les étrangers.

Rouler dans un banc est une expérience qu'il faut vivre. Pour éviter tout stress, prenez une moto-taxi, un Xe Om et prenez le pouls d'une mégalopole de 8 Millions d'habitants. L'expérience est riche et épicée comme la cuisine Vietnamienne. C'est vibrant d'humanité, il n'y a pas d'agressivité car dans la masse, dans la nasse, cette foultitude semble accepter de partager le même sort, la même galère.

Quand les 2 roues ne roulent pas, il faut les parquer dans des lieux spécifiques, avec gardiens, à cause des vols. Laisser son véhicule sans surveillance ne vient à l'esprit de personne. Pour les parcages, il n'y a que l'embarras du choix, surtout aux abords des supermarchés ou des restaurants. C'est écrit sur le panonceau: Giu Xe.

Pour quelques dongs, on est à l'abri du vol. Le gardien appose sa signature à la craie sur la selle, que votre fond de pantalon en repartant essuiera et on part visiter la ville l'âme en paix. Cela fait plein de petits métiers et il n'y a pas de magasins où acheter des anti-vols. Le rangement révèle l'état d'esprit du gardien, militaire ou poète. Les Vietnamien sont plus poètes que militaires. Dans l'ancien temps, les mandarins, les lettrés étaient très portés sur la poésie. Dans les demeures vietnamiennes, c'est souvent un gentil capharnaüm, on me dit que c'est l'âme Vietnamienne. Souvent l'entrée de la maison sert de parcage aux 2 roues quand ce n'est  pas tout simplement, dans la pièce à vivre.

 

On reconnaît de suite les touristes fraîchement débarqués, ils arpentent un côté de la rue en se demandant anxieusement comment atteindre l'autre rive. Attendre que quelqu'un s'arrête, il vous faut plus qu'une vie. Il faut pister le premier autochtone qui traverse et calquer ses pas sur les siens. Regardez le faire, surtout pas de mouvements brusques, le pas doit être régulier. On plonge dans la mêlée résolument. Il faut absolument que les conducteurs lisent votre trajectoire pour qu'ils puissent choisir la leur. Toute incompréhension, due à une précipitation, peut casser l'équilibre des forces en présence. Ne forcez jamais et n'oubliez pas qu'en tant que piéton, vous êtes le maillon faible. Regardez tous les mobiles qui convergent vers vous, souriez, vous êtes passés. 

 

C'est la cohue du matin au soir, on dirait un immense manège. Quand quelqu'un en sort, un autre le remplace. Beaucoup portent un masque à cause de la pollution. Chaque famille possède au moins 2 à 3 engins. On comprend qu'Honda travaille davantage à garder son image dans ces pays, plus qu'en Europe au vu du nombre de ventes annuelles. Et pourtant l'essence est relativement chère, presque 1 Euro le litre, ramené au salaire moyen, c'est beaucoup. Heureusement que les moteurs, tous 4 temps, ne consomment pas trop, moins de 3l aux 100. Il n'y a pas de 98, que du 95 et du 92. Dans les grandes villes, les pompes ressemblent à leurs congénères internationaux. Dans les campagnes, si vous commencez à être en manque d'essence, repérez une bouteille d'eau minérale en plastique remplie de liquide, posée sur le bord de la route...si si c'est une station d'essence.

A toute heure de la journée, il y a du monde et encore plus aux heures de pointe comme vers 16h30-17h. Même tard le soir, çà roule. Quand on parle de tard, tout est relatif. Tout le long de l'année, la nuit par ici c'est invariablement sur les coups de 19h. Tous les matins, vers 5h le ballet recommence. Je ne me suis pas renseigné sur la fréquence des pauses dans la vie d'une moto là-bas. J'ai vu plein de petits garages qui entretiennent les motos, la mécanique, le lavage, souvent à même le trottoir, comme pour la plupart des autres commerces. 

 

Les Vietnamiens adorent rouler. Marcher est une hérésie, c'est vrai qu'on y attrape vite une suée vu la chaleur. 34°C fin décembre à Sai Gon. Mais le climat, comme partout dans le monde ces dernières années, est très perturbé. Un 2 roues est ici plus qu'ailleurs signe de liberté facile. Il faut noter une forme de snobisme à ne pas marcher. Marcher c'est bon pour les Nha Que. Les Tay Ba Lo marchent. Les gens sont plus impressionnés par la moto que la voiture. Quand une petite cousine, de passage en France, a vu ma moto, elle a tenu absolument à ce que je prenne une photo avec elle posant fièrement à ses côtés. La moto, les pieds devant, les orteils en éventail, çà peut faire rêver.

 

Ils roulent tout le temps et partout; pour çà, il suffit parfois d'une bande de terre tassée à fleur d'eau, une bordure entre deux rizières, une piste en latérite en bord de frontière, d'une trouée dans le paravent en bambou.

 

Impression de voyage, Viêt Nam Décembre 2011.

Je rêve d'une randonnée le long de la chaîne Truong Son,  la Cordillère  Annamite, en Minsk. Il faudra la faire vite, car ce pays change tellement d'une année sur l'autre...

 

Ajout:

Depuis 2012 rouler au Viêt Nam comporte des risques: lire l'article