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En suivant le Douro
Écrit par Chrise&Semeac   

 

 C’est une rivière qui porte 2 noms car prenant vie en Espagne, elle termine sa course au Portugal. Duero d’un côté et Douro de l’autre, avec même les 2 noms côte à côte pendant les 122kms que dure la frontière. Ce n’est pas un long fleuve, même pas 900kms mais le peu que j’en avais vu lors d’un précédent voyage au Portugal m’avait donné envie d’y revenir. Le fleuve naît dans la Sierra de Urbion mais l’endroit est inaccessible en moto. En allant le plus en amont possible par la route, le premier pont qui enjambe le ruisseau pour lors est déjà à 25kms de la source. Notre première base se fera à Vinuesa. La dernière bien sûr à Porto, à l’embouchure, là où le Douro se dilue dans l’océan, dans les effluves de Porto, de Bacalhau et de Fado.

 

 Pour atteindre Vinuesa, nous avons subi toutes les agressions climatiques d’un milieu d’hiver alors que nous étions fin Avril début Mai. Déjà bien avant l’arrivée à l’étape du jour, la pluie nous avait fait sortir les bâches, puis le grésil s’est mis à bien piquer le visage et enfin la neige s’est mise à tomber lorsque nous arrivâmes en fin d’après-midi au col de Punto de Nieve. En arrivant à l’hôtel chauffé, nous n’eûmes plus l’envie d’affronter les giboulées dignes d’un mois de Mars pour faire la petite boucle initialement prévue de 70kms du démarrage de la sortie Duero/Douro. On ne verra pas le mystère de la naissance du Duero.

 

 Le lendemain, le temps était toujours aussi froid mais au moins les routes étaient sèches, du moins au départ. J'ai horreur des petites routes humides bosselées fréquentées par les chiens sauvages. Le début du cours d’eau n’étant pas photogénique, Luis proposa d’en modifier le parcours et de passer voir le canyon del Rio Lobos. Ce n’était pas trop le fil conducteur du départ, coupant toute la boucle que décrit la Duero vers Soria, mais je n’avais pas d’argument contre, anesthésié par ce temps exécrable. Le canyon de Rio Lobos n’est guère plus spectaculaire que le canyon du Lesa vu la veille pour arriver à Vinuesa, le fond est sans doute plus large. Ce "raccourci" a permis un gain de temps.

 

 D’ailleurs sur tout ce début de parcours, le cours du Duero donc, manque de caractère. Paysage de plaine qu’une rivière traverse tel un cordon d’un chapelet avec des villages en lieu et place des grains. Un pont par-ci, un château par-là, particulièrement celui de Panafiel, parvenaient à rehausser un itinéraire monotone. Nous étions tantôt rive gauche, tantôt rive droite grâce à des ponts souvent semblables. Beaucoup de nuages et des portions pluvieuses égrenèrent le parcours particulièrement lors de notre entrée au Portugal avec un ciel bas et lourd qui donna l'impression d'être tard dans la soirée quand bien même l'horaire portugaise décalée d'une heure en avance par rapport à l'horaire espagnole.

 

 Vers la frontière Espagne/Portugal, le Duero commence à être large, un peu avant le Salto de Villalcampo il avait reçu l'apport de la rivière Esla, un affluent de belle taille, ce dernier étant alimenté par le grand embalse de Ricobayo. A cet endroit, le Duero a creusé un lit profond dans la roche, son cours est maintenant enserré entre 2 parois plus ou moins abruptes propices à des barrages hydrauliques qui créent des renflements qui l’élargissent et lui donnent une stature de fleuve. Le débit du fleuve doit être conséquent, on dénombre quantité de barrages tout au long de son parcours jusqu'à l'océan.

 

 Notre passage de l’Espagne au Portugal se fait près de Miranda do Douro au milieu d’un de ces barrages qui m’a fait me demander de quelle nationalité est l’électricité qui y est produite. L’hôtel accueillant avec vue sur le Douro et surtout le plat gargantuesque de Bacalhau du dîner redonnèrent le sourire aux participants. Dans la nuit, la pluie avait cessé et nous eûmes même droit au soleil pour cette deuxième journée. Le début du parcours se fait dans un paysage curieux avec d’énormes roches granitiques en forme de galets ronds et les quelques clôtures de pierres amassées avaient des airs de Bretagne. Cette ressemblance est sans doute dûe à l’air vif matinal.

 

 Pendant toute cette portion où le Douro sert de frontière, la route principale s’écarte du fleuve. Sur le plateau, on ne voit pas l'eau, on ne peut le rejoindre qu’en quelques rares coins, là où sont établis les barrages. La route alors quitte les hauteurs et descend en zigzags  vers le contre-bas traversant de petits villages bien portugais dont une des particularités est d’avoir des ruelles pavées, délimitant de facto le hameau, quand les roues ne cahotent plus et glissent à nouveau sur le macadam à nouveau lisse. Mais il ne faut pas pour autant croire que c’est du billard, les petites routes perdues sont souvent mal entretenues. Les ruelles en plus d’être en pente sont étroites vous coinçant derrière des engins puants aussi âgés que les pavés qu’ils foulent.

 

 Nous avons aussi traversé des zones ravagées par des feux de l’année passée ou celle d’avant, désolantes à voir surtout parce qu’elles étaient nombreuses et peu propices à la vie. Incendies accidentels ou pas, c'est toujours un crime sur une nature qui année après année voit ses ressources s'appauvrir. L'an dernier, au 2 Août nous avions déjà consommé ce que la planète peut produire en 1 an. C’était des zones en retrait du fleuve loin de l’eau salvatrice. Une fois ces zones rendues arides traversées, le vert reprenait ses droits, en force, se sentant soutenu et protégé par un allié puissant qui veille là dans le creux comme de l’eau qui dort.

 

 Jusque vers la fin de la portion  où le Douro sert de frontière, on ne peut pas parler de surexploitation des sols, surtout côté Espagnol. Sur l'autre rive, on ne perçoit pas d'habitation. Une bonne partie de la région est classée Parc National des 2 côtés du fleuve. De ce côté-ci de la frontière, il y a quelques pieds de vigne, d’oliviers, mais il subsiste encore beaucoup de collines boisées. Les quelques terrasses ne couvrent pas encore entièrement les flancs des coteaux. Plus loin la N221 qui longe pendant un moment le Douro est un régal pour les motards. Les virages sont bien formés et le macadam est lisse. Entraîné dans ces virolos, j’ai oublié de faire le crochet vers le Mirador de Peneo Durao.

 

 Cependant, de bonnes portions ne présentent pas de routes en bord de fleuve, les parois rocheuses tombent souvent à pic. La seule solution est la croisière fluviale sur des bateaux pas très intimes qui avancent à la vitesse des bateaux. Une autre solution est le train mais il ne monte guère plus haut que Pocinho. Si on persiste en moto et qu’on se contente de bribes de fleuve, les virolos se ramassent à la pelle et il ne faut pas compter les heures passées sur la selle. J’avoue avoir été un peu optimiste dans mes choix d’itinéraires et avais surestimé les capacités d’un membre du groupe. Les arrivées aux étapes ont été tardives.

 

 La vigne ne règne pas encore en maître, il y a beaucoup d’oliviers et quelques orangers mais rien à voir avec les collines couvertes de ces arbustes d’Andalousie. Il y a peu de gens au milieu de ces plantations, ce n’est sans doute pas la saison. Le paysage très vallonné, est constitué de monts qu'on saute tour à tour pour en trouver un, plus petit qui veut bien s'incliner plus mollement vers le fleuve, permettant alors à la route de tangenter ce dernier sur quelques dizaines de mètres. Souvent au sommet d’une colline s’établissent les maisons d’un village pittoresque donnant lieu à une scène photogénique lors d’une halte reposante.

 

 Au fur et à mesure qu’on va vers l’ouest, le Douro prend de l’ampleur même en l’absence de barrage, les parois sont moins encaissées et la culture de la vigne en terrasses devient omniprésente. C'est que la géologie du sol vient de changer. C’est la région du haut Douro. C’est le terroir du vin de Porto. Les domaines sont marqués en gros et en blanc. Ici le sol schisteux et pauvre est propice à la vigne qui donne les vins de qualité. Donner de la richesse à partir de la pauvreté, la vigne est une plante remarquable . Plus en amont dans la région du Douro Supérieur le sol étant granitique la vigne donne un vin moins noble.

 

 Les collines sont sculptées avec art. Il y a peu de place perdue. Les paysages de culture en terrasse impressionnent toujours à cause du travail pénible de  l’homme que cela sous-tend pour tracer toutes ces lignes régulières dans l’espace  à la manière du pinceau d’un peintre sur une toile. Et au milieu se déroule la route, d’un point de vue enchanteur par ci à un tableau reposant par là  qu’on savoure tranquillement en son for intérieur. Ces paysages m'ont rappelé vaguement ceux de Hoang Su Phi de l'an dernier en moins vert. En regardant de plus près, on constate qu'il y a vraiment peu de mauvaises herbes. Est ce que la netteté des traits peut être imputé à Monsanto?

 

 Le fleuve prend ses aises dès qu’il le peut. Toute cette eau ne sert pas à l’irrigation, sans doute à l’hygrométrie du climat ambiant, la vigne n’ayant pas besoin d’être arrosée. Dans le temps le fleuve servait surtout aux rabelos, barques typiques qui transportaient les tonneaux de vins vers les caves situées à Porto une centaine de kilomètres plus en aval. De nos jours, le transport se fait par la route beaucoup plus rapidement, il y a eu une période ou le convoyage des barriques se faisait par train, d’où la présence d’une ligne de chemin de fer qui longe le Douro. Cette ligne sert de nos jours plus aux touristes à l’instar des bateaux sur le Douro.

 

 Encore plus en aval on trouve encore de la vigne, mais elle ne sert plus à faire du Porto mais du Vinho Verde, ce vin blanc léger un peu pétillant qui n’est bon que lorsqu’on l’achète au Portugal et qui accompagne à merveille le bacalhau. La taille des ceps de cette vigne est particulière, faisant des plants de grande hauteur, bien plus que pour les vignes classiques.

 

 La vallée s’évase de plus en plus et la route maintenant jouxte plus fréquemment le Douro, tantôt rive gauche, tantôt rive droite. Les longues lignes droites permettent un roulage plus rapide, mais la densité des véhicules augmente également. Relier Eja à Porto prend 1h30, l’arrivée vers Porto par la nationale est assez encombrée.

 

 En amont, tant que la route ne longera pas entièrement le Douro et cela encore pour très longtemps, les croisières en bateaux remontant le cours d’eau auront de l’avenir. Il y en a des petits, romantiques, comme des gros moins beaux. Pour les deux, il y a le problème du franchissement des barrages, construits pour réguler le cours du Douro et pour la production d’énergie. Certains m’ont assuré d’avoir vu des écluses jouxtant les barrages. J’ai été surpris vu la grosseur de certains bateaux qui y naviguent.

 

 Pour franchir la rivière, il faut des ponts. Il y en a tout plein tout au long. En Espagne où le cours d’eau est plus modeste, on a traversé beaucoup de vieux ponts. Au Portugal, ils sont plus récents, je n’ai pas vu de grands ponts anciens, à croire qu’autrefois, il n’y avait que des bacs comme moyens de traversées.

 

 C’est surtout près de l’embouchure quand on arrive dans la ville de Porto qu’il y a une forte concentration. A côté de ceux en béton, on en trouve 2 un peu plus anciens, conçus par Gustave Eiffel ou son équipe car vu le nombre d’ouvrages baptisés Eiffel de par le monde, cet homme devait se tuer à la tâche. Le pont Luis I, celui le plus photographié à Porto, comporte 2 étages : le bas pour les voitures et le haut pour le rail.

 

 Et au bout c’est l’embouchure avec ses quais, ses caves, ses maisons colorées et ses Rabelos disposés pour la photo. C’est ici que sont déchargées les barriques dans les caves toutes situées rive gauche à Vila Nova de Gaia. C’est ici que le vin de Porto s’affine avant d’être expédié de par le monde. Nous nous sommes garés devant Sandeman pour une éventuelle visite qui n’a pas pu se faire dans le créneau horaire que je m’étais fixé. Qu’importe, il y a l’embarras du choix, nous sommes rentrés dans la cave d’à côté, chez Calem. Les visites sont toutes identiques, toutes payantes avec dégustation à la fin, elles sont toutes aussi intéressantes les unes que les autres.

 

  Excursion de 2500kms sur 6 jours de fin Avril à début Mai 2018. 4 motos : XTZ1200 / R1200ST / W800 / Norge8V ; 6 personnes. La météo n’a pas été clémente, le thermomètre est même descendu à 1°C, les tenues de pluie ont bien servi, mais au fur et à mesure qu’on s’approchait de Porto le temps a été plus agréable.

 

 Les pique-niques de fin parcours ont été plus chaleureux que ceux du début. Nous avons toutefois très souvent utilisé à bon escient les aménagements publics.

 

 Si c’était à refaire, sur la même durée, j’abandonnerai le début du parcours pour commencer la descente du Douro à partir de Miranda do Douro  en tronçonnant davantage le circuit entre Miranda et Eja. Ma 2° visite de Porto m’a laissé une impression mitigée, je pense que je me limiterai à l’avenir au secteur des quais de la Ribeira et de Gaia avec ses caves.

 

 5 nuits : 5 hôtels : Les hôtels en Espagne nous ont coûté plus cher qu’au Portugal.

Vinuesa : Hostal Revinuesa, Calle Campo Lavadero. Confort correct mais comme souvent, on entend bien les voisins. Pas de sèche-cheveux. Pas de parking, les motos dorment dans la rue. L’accueil est assez froid. Le petit-déjeuner n’est pas compris. On peut manger sur place, le repas servi le soir a été très basique.

Miranda do Douro : Hotel Flor Do Douro, Rua do Mercado. Très bon rapport qualité prix, notre coup de cœur. L’accueil chaleureux et en Français (le patron a vécu dans le 92). Confort très correct, petit déjeuner copieux, garage pour les motos fermé. Dommage que la vue sur le barrage soit occultée par un bâtiment en construction. Le restaurant juste en contrebas recommandé par l’hôtelier mérite le détour, portion gargantuesque, très bon, pas cher et vue superbe sur le Douro.

Rio de Moinhos : Quinta do Imperio. Des bungalows mais avec 3 étoiles, chics et spacieux. Sur une propriété à l’écart, les motos sont en sécurité car il y a un portail à l’entrée. Un coin cuisine permet de se faire le petit-déjeuner.

Porto : Hotel Peninsular, Rua de Sa Da Bandeira. Pas cher pour un hôtel en plein centre de Porto. Cela a été un grand hôtel mais mérite une restauration en profondeur. La réception et le restaurant où on sert le petit-déjeuner sont encore à la hauteur mais pas les chambres. Le petit-déjeuner compris est copieux. Le garage en supplément est éloigné de l’hôtel.

Leon : Hotel Riosol, avenida de Palencia. Hôtel 3 étoiles au cœur de la ville, la cathédrale est joignable à pied. Rien à redire, le parking est au sous-sol, le petit déjeuner en sus est correct. Le restaurant (le Zuolaga) connu de Luis est très recommandable.

 

Quelques photos de plus...........................................................................................................................................