Home / Album - Balades / Côte d'Ivoire à voir
Côte d'Ivoire à voir
Écrit par Chrise&Semeac   

Côte d’Ivoire été 2019 :

 

 

Un hasard, une opportunité a fait que dans ma mémoire maintenant, la Côte d’Ivoire y est gravée. Les pays d’Afrique de tout temps ne m’aimantent pas. Peut-on rationnellement expliquer nos attirances ? Un ami au détour d’une phrase m’ayant proposé ces vacances, a ouvert à coups de machette des envies d’échappées belles. Il était au départ question de grande aventure de motos sur des pistes en latérite rouge lacérant le vert amazonien d’une forêt primaire. La réalité rapide rattrape la raison. L’expérience de l’ami ayant vécu quelques mois là-bas, le guide Le Petit Futé en livre de chevet, les informations d’enlèvement de touristes Français dans un pays africain voisin avec mort d’homme juste avant le départ, ont tempéré les roulis d’un rêve en forme de bateau à la Rimbaud. D’ailleurs, lors de notre séjour, le célèbre chanteur ivoirien DJ Arafat a trouvé la mort au guidon de sa moto dans un accident de circulation  à Abidjan. Maintenant c’est sûr, nous circulerons en voiture, loin des frontières sensibles, celle d’avec le Liberia par exemple ; nous aurons un guide affuté pour le nord du pays, nous ne ferons pas de safari-photo, nous ferons la connaissance des amis de nos amis, nous allons découvrir le pays qui a tant fasciné l’ami Francis.

 

 

L’arrivée à Abidjan s’est faite tard dans la nuit. Il n'y a pas eu de choc thermique à la descente de l'avion comme pour mon tout premier voyage en Guyane. La récupération du visa pré-acheté sur le net sur le site SNEDAI, les files d’attentes aux postes frontières garnis de policiers tatillons avec prise d’empreintes digitales et photos du faciès, ont enveloppé l’excitation de la nouveauté dans une gangue de fatigue anesthésiante. Vivement l’hôtel situé à plus d’1 heure de l’aéroport, malgré la circulation fluide de cette heure tardive, vivement le lit, merci à l’ami Fofié d’être venu nous chercher, nous dispensant de tout effort supplémentaire de recherche de taxi et d’hôtel en terrain inconnu. Les avions de la TAP reliant Lisbonne à Abidjan ne sont pas très confortables, exigus et bruyants, en comparaison le TGV lors de notre retour au sortir de l’Airbus était un tapis volant. Les aéroports sont souvent très excentrés, celui d’Abidjan ne faillit pas à la règle, situé près de l’océan par-delà la lagune, tout au sud. Dans la chambre au standard 3 étoiles, la fraîcheur de la clim réglée à 25, le calme de la pièce, les draps proprement repassés, facilite la plongée dans la quiétude… j’avais quand même noté le pistolet dans son étui sur la jambe droite  du veilleur de nuit qui gardait la porte de l’hôtel.

 

 

 

Au petit matin un chant d’oiseau inhabituel à nos oreilles nous réveille. Déjà 8h00…non 6h00 seulement, il y a 2h de décalage avec la France. Un petit déjeuner classique nous est servi dans le patio sous des parasols, les moustiques s’y abritent mais on avait déjà fait leur connaissance dans la chambre. En lieu et place d’une clim, j’aurais préféré un bon ventilateur, bien plus efficace contre les prédateurs ailés. Par ici ils sont petits ce qui ne les empêche pas de piquer fort. Les répulsifs ont une durée d’efficacité limitée. Comme nous avons été avertis du risque de paludisme, le jus d’orange sert à ingurgiter le comprimé de Malarone. Un rituel matinal s’instaure, il doit durer une semaine après le retour. Dans les recommandations d’usage il y a aussi ne pas boire l’eau du robinet et donc se méfier des salades lavées avec cette eau. Avertis nous n’avons pas été dérangés outre mesure durant tout le séjour. Le patio est isolé de la rue visuellement et acoustiquement ; de temps en temps un klaxon plus appuyé parvenait cependant à sauter le mur. Nous sommes seuls, peut-être que les autres clients préfèrent prendre leur petit-déjeuner dans la chambre. Fofié nous ayant invité chez lui pour midi est déjà là et c’est la plongée dans Yopougon, une banlieue de la capitale.

 

 

 

Nous sommes dans le quartier des lits et meubles. Les trottoirs en regorgent, il y en a pour tous les goûts mais le goût n’y est pas très sûr. On n’a guère le temps de regarder les magasins sans devanture, on est impressionné par le chassé-croisé d’une circulation en mal de règles. Certaines voitures semblent récentes mais même elles, portent les stigmates d’une conduite au culot. Les mini bus sont champions pour imposer leur loi. A grand renfort de klaxon et de volutes de fumées noires de gasoil bien soufré, ils se faufilent en queue de poisson et de doublage par la droite pour finir par piler devant quelqu’un ayant levé la main et repartir aussi sec en ayant toutefois mis le clignotant. J’ai vite caché mon permis international ne me sentant pas capable de manœuvrer dans cette anarchie  et surtout par crainte de voir s’envoler le coût de la location en rendant une voiture balafrée. Pas ou très peu de 2 roues, les Ivoiriens ne sont pas suicidaires. Dans le nord, nous en avons croisés beaucoup plus, des pseudos Dream Honda et des petites motos de 125cm3 estampillées KTM pour sans doute Korean Track Machine. Beaucoup de tricycles, véritables bêtes de somme des temps modernes où s'entassent objets, bêtes et gens. Dans le nord on pourrait croire dans l'opacité de l'air à la poussière de terre, par ici on ne peut pas douter de la présence des particules de carbone.

 

 

 

Madame Fofié était en train de cuisiner carpes et poulet braisés, attiéké, alloco, avec une sauce très relevée. C’était très bon, particulièrement l’alloco qui est de la banane plantain frite. Ce premier contact avec la cuisine ivoirienne m’a beaucoup plu. Mais durant le séjour, partout où nous sommes passés, chez d’autres amis ou dans les restaurants populaires qu’ils baptisent là-bas Maquis, nous avons revu les mêmes plats; j'ai essayé un plat à base de 3 très gros escargots, je n'ai jamais recommencé. Les variantes ne sont pas légion et bien sûr plus ou moins bon en fonction du cuisinier. Le Foufou et le Foutou tous deux à base de banane plantain pilée mélangée avec d’autres ingrédients différents et qu’on mange avec une sauce dite claire ne m’ont pas laissé de souvenirs impérissables. On nous servait les plats dans des assiettes et fourchettes mais sans couteaux; quand les morceaux sont découpés petits comme au Vietnam, cela passe, mais essayez avec une avant-cuisse de poulet ayant couru le marathon. Beaucoup d’Ivoiriens mangent encore dans les plats communs disposés au centre de la table avec leurs doigts. Les bassines d’eau pour le lavage des mains sont alors nécessaires. Les repas ne comportent, dans la vie de tous les jours, qu’un plat, sans entrée ni dessert. La bière brassée dans le pays est très consommée et dans les maquis le vin ne manque pas.

 

 

L’attiéké est l’accompagnement principal des plats Ivoiriens ; cela ressemble visuellement au couscous mais c’est à base de manioc. Nous avons pu visiter une fabrique où nous avons assisté à la chaîne de transformation. Au départ il y a la plante qui est une jolie plante merveilleuse, même au pays de Cocagne, on ne fait pas mieux: vous tirez sur la tige et alors émerge de terre le gros tubercule, vous coupez un bout de la tige, l’enfouissez et 3 mois plus tard vous avez un tubercule identique. Celui-ci est décortiqué et coupé en morceaux qui partent au lavage. Les morceaux sont ensuite broyés dans une machine, sorte de grosse râpe circulaire et mis dans des sacs en fibres. Le suc est extrait grâce à une presse manuelle qui presse un empilement de sacs, j'ai remarqué qu'elles récupéraient le jus dans un bidon mais n'en ai pas su l'utilisation. Les graines sont ensuite tamisées puis on procède à la cuisson à la vapeur pendant 15 minutes. Le manioc cru est toxique. Les grains cuits sont mis dans de grandes poches pour être expédiées. L’attiéké frais est aussi souple et bon que le couscous ; en vieillissant, il fermente un peu et prend un léger goût acidulé. Il y aurait 2 sortes de manioc : un réservé à la fabrication de l’attiéké et l’autre plus doux qu’on consomme bouilli.

 

 

 

D’entrée, nous sommes partis vers le nord avec un guide qui a page sur rue dans le Petit Fûté, sur la base d'un programme bâti au préalable et d’un commun accord. L’autoroute qui relie Abidjan à Yamoussoukro n’est pas trop encombrée et le conducteur a une conduite reposante, première condition obligatoire pour une aventure en pantoufles. La première halte, au domaine Bini nous plonge dans l’ambiance africaine, celle des villages. L’homme qui nous reçoit nous fait nous asseoir sur des tabourets typiques disposés autour d’une petite table ronde. Il se présente brièvement et commence à nous servir du Bangui puis nous demande de nous présenter et d’annoncer le but de notre visite. Mais pas de tohu-bohu, il n’y a qu’un qui parle, les autres écoutent. Le plus vieux de la troupe désigné Le Roi, délègue sa parole et celui investi de cette mission raconte. J’ai passé mon temps à goûter au Bangui, breuvage à base de vin de palme légèrement alcoolisé qu’on nous avait servi dans de petites calebasses, épicarpes naturelles et à déguster le jus de coco servi dans sa noix elle même naturelle. Naturel est, avec insistance, le leitmotiv du domaine Bini. Tout compte fait, être Roi c’est tranquille, cela tombe bien, je suis du genre taiseux.

 

 

 

Après ces civilités, nous sommes conviés à visiter le domaine. Le guide se munit d’un coupe-coupe. J’ai pensé aux forêts profondes où on doit ouvrir sa route. Point de cela ici, c’est bien domestiqué et les sentiers ont été foulés et refoulés. Nous pénétrons dans une forêt sombre d’hévéas, les coulures de sève blanche ressortent dans la pénombre et remplissent lentement des pots fixés plus bas sur le tronc. En s’approchant un peu, une mauvaise odeur lourde vous remplit les narines. Quand les pots sont pleins, ils jettent le bloc formé au pied de l’arbre en attendant le prochain ramassage, empestant minute après minute l’atmosphère. En continuant plus loin, on apprend que le cours de l’hévéa est en chute constante, que cela n’est plus rentable. Nous voyons de loin la forme furtive d’un travailleur vite caché par la végétation ; on ne peut pas dire que le travail bat son plein. Nous continuons notre cheminement, peu de vie animale à part des fourmis en colonnes de différentes tailles, de différentes couleurs et un gros scolopendre coloré qui s'est mis en rond dès qu'il nous a vus. Quelques champignons çà et là, essentiellement ceux poussant sur bois. La traversée sur un tronc d'arbre d'une rigole d'eau claire a été la seule touche d'aventure à la promenade.

 

 

 

Plus loin nous découvrons des poivriers portant des graines encore vertes mais avec un goût bien prononcé et même légèrement piquant, puis des cacaoyers avec des cabosses également vertes en cette saison mais dont les graines sont bien goûteuses mangées crues. On s’étonnait que la Côte d’Ivoire ne produise pas de chocolat, en fait les Ivoiriens ne sont pas amateurs de cette friandise, ils se contentent d’exporter les fèves de cacao brutes. Il est vrai que le chocolat tel qu'on l'entend en Europe ne supporte pas bien la chaleur. Il y a bien une usine Cemoi vers Abidjan et dans la capitale économique s’activent également des artisans chocolatiers, mais le chocolat reste un produit de luxe.  Il en est de même du café, les Ivoiriens n’ont pas le réflexe café après les repas. Souvent dans la journée, si vous commandez comme boisson un café vous n’aurez pas satisfaction ; dans de rares coins, on vous amènera de l’eau chaude et du café en poudre. En revenant près des habitations du domaine Bini, nous avons rencontré une femme grillant du cacao sur un feu de bois. Sa préparation à base de cacao pilé, de miel et de noix de coco a régalé les papilles de tout le groupe.

 

 

 

L’autoroute A3 à 2 fois 2 voies remonte jusqu’au Burkina Faso. Notre  prochaine étape est Yamoussoukro, la capitale voulue par le premier président élu: Félix Houphouët Boigny, ville dont il était originaire. A Yamoussoukro tout se veut grand, à commencer par la Basilique Notre Dame de la Paix, la plus grande basilique au monde, consacrée par le Pape en personne. La Coupole est gigantesque ; les sièges des fidèles sont disposés en arc de cercle autour de l’autel central. Les matériaux sont nobles : bois d’iroko, marbre. La superficie des vitraux très colorés est bien sûr la plus grande au monde. Les grilles de la climatisation sont disposées au sol  tout autour et partout permettent de garder tête froide pour des pensées éthérées. Le sanctuaire est dédié à la Vierge Marie ; ici, elle salue de la main droite conformément à la tradition africaine qui dit que la main gauche est impure. Le guide récitait des tonnes de chiffres ; seule la distance de 1 kilomètre entre le portail d’entrée et le centre de la coupole m’est restée. L'illumination a été brillamment pensé et ils ont dépensé sans compter. De nuit du hublot de l'avion qui nous amenait vers Abidjan, elle brillait de mille feux, se détachant des ténèbres.

 

 

 

A Yamoussoukro se trouve également le Palais présidentiel, entouré de hauts murs, qui ne se visite pas. Devant, s’étend le Lac aux crocodiles où rodent quelques 200 sauriens. Certains sont des présents offerts à l'ancien président par les chefs d'état du Cameroun et du Mali. Le lac est entouré de grilles et gardé car il y a eu des accidents avec mort d’homme. Il y est interdit, cela va de soi, d’y pêcher et de se baigner. De derrière la grille, de loin, on peut les voir immobiles la tête flottant à la surface, les yeux aux aguets. Ils sont nourris quotidiennement, ils sont donc bien gras. Notre guide a demandé qu’on leur offre un poulet conformément aux pratiques. Un des soldats s’est à peine posté près de la grille en agitant le poulet que déjà 3 mastodontes sont sortis de l’eau pour s’appuyer sur le rebord en ciment, 3 autres plus petits rodaient dans l’eau. Le soldat a lancé le volatile, l’un des crocodiles l’a attrapé avant même qu’une plume ne touche l’eau, d’un coup de mâchoire ouvert le temps d’un éclair. Ce ne fût pas le plus gros qui fit bombance. Instantanément l’eau du lac est redevenue lisse, la mini tourmente passée, chacun est resté à sa place impassible rêvant aux lendemains charnus.

 

 

 

Nous poursuivons l’autoroute vers le nord. De part et d’autre toujours beaucoup de verdure, la distinction entre les champs cultivés et la nature sauvage n’est pas vraiment évidente. Le paysage est vallonné, il n’y a pas de montagnes par ici. L’autoroute  n’est pas aux normes européennes, il y a des piétons partout et des camions stationnés sur la bande de terre de séparation, à moins qu’ils ne soient en panne. L’autoroute n’est pas très empruntée, quelques gros camions chargés cependant, nous sommes sur un axe reliant la CI aux pays frontaliers du nord. Ça et là des vendeurs de gibiers de brousse tendent à bout de bras leurs prises. Nous atteignons Bouaké, célèbre repère des rebelles il y a encore peu. Nous ne faisons que passer par la grande route centrale, large et poussiéreuse. Je ne sais si cela est dû aux lectures de journaux mais Bouaké m’a paru inhospitalier. Bien plus au nord de Bouaké, nous quittons l’autoroute pour prendre la B309 qui mène vers Korhogo notre étape de la journée. Sur les routes, la maréchaussée est omniprésente, armée, souvent avec des herses en travers de la chaussée. Mais surtout, fini l’asphalte à peu près lisse, comme toutes les routes de CI, la B309 regorge de nids d’éléphants.

 

 

 

La vitesse s’en ressent entre coups de frein et phases d’accélération après évitements des nids. Souvent en face, si une voiture brusquement dévie sa trajectoire pour se jeter sur le côté gauche de la chaussée, c’est qu’il y en a un. Quand les véhicules antagonistes sont trop proches pour faire l’embardée, celle qui a le trou devant elle freine à mort pour ménager au mieux ses suspensions. Nous avons rencontré beaucoup de camions immobilisés au bord de la route pour des réparations in situ. Souvent aux abords de villages, les étals vous tendent leurs produits, et quand vous ralentissez, vite-vite 3 ou 4 gamines s’approchent, paniers sur la tête chargés de fruits, inquisitrices. C’est souvent proposé avec un joli sourire. Devant un très courant refus, elles n’insistent pas, n’importunent pas le chaland, vous regrettez de n’avoir pas acheté. Si vous achetez, le marchandage est de rigueur. Quand Kaddy  était avec nous, on la laissait faire ; comment mieux négocier qu’une habitante du cru. Ainsi, le trajet en voiture était agrémenté de dégustation ici de bananes, là d’ananas plus goûteux les uns que les autres. La route est quand même longue  à la longue, malgré quelques haltes pipi ou autre.

 

 

 

Un peu avant Korhogo, halte poterie. Malheureusement nous n’avons pas eu droit à la visite de la fabrique située plus loin. Nous sommes passés directement à la boutique souvenirs, plus sérieusement nous étions dans le dépôt vente de la fabrique où sur le fronton, on pouvait lire la devise de la CI : Union, Discipline, Travail. Des pots, assiettes et cruches attendent qu’un client se décide, certains déjà recouverts de poussière, tandis que les nouvelles fournées arrivent portées par des petites filles et qu’une des vendeuses tente de leur trouver une place. Des ustensiles de tous les jours, entassés là à même le sol, tous de même facture avec des teintes marron-noire chaudes de terre trop cuite. Les fabrications sont relativement massives, la terre ne peut rivaliser avec la porcelaine. Nous remarquons des inclusions dorées dans le fond sombre des assiettes comme des myriades d’étoiles dans un ciel de nuit d’été. La vendeuse, sérieuse nous dit que c’est de l’or, que la terre par ici regorge de poussière d’or ; nous sommes restés sceptiques, peut-être à tort. Cela ne m’a pas incité à acheter, les assiettes épaisses pesaient autant que des lingots et je pensais à la valise du retour, à la taxe carabinée en cas de surcharge.

 

 

 

Côté artisanat, le tissage occupe une grande place par ici. C’est un métier bizarrement exclusivement masculin. Très jeunes, les garçons manipulent les métiers à tisser rudimentaires avec des pièces à motif simple au départ pour parvenir aux complexes après plusieurs années de pratique. Des métiers sortent les longues bandes de tissus de plusieurs mètres mais très étroites, guère plus que 15cm de large. Ce sont alors les femmes qui prennent la suite et cousent ces bandes pour former des nappes et des pagnes. La tension des fils se fait grâce à de gros cailloux glissant au sol creusant des sillons linéaires sous un grand hangar quasiment vide au centre, les tisserands étant disposés sur 2 bords. Le fil de coton, ici, est assez grossier, donnant au tissu un aspect rustique. Plus au sud, à Siakare, on a vu des tissus plus fins. Au long de la route en plusieurs endroits nous avons entraperçu des métiers en action. Les motifs très géométriques, sont formés par l’emploi de fils de différentes couleurs, à part les couleurs, les motifs en eux-mêmes ne sont guère variés. Dans les tissus traditionnels Sénoufo, les motifs sont souvent peints à la main, en plus des motifs géométriques, sont alternés des animaux.

 

 

 

Un peu plus loin, au pays de Kaddy, ils se sont spécialisés dans la perle, je n'ai pas pensé à demander depuis quand ; les perles de Kapélé se vendent jusqu'à à Abidjan. L’argile est extraite sur place, travaillée pour avoir une pâte homogène et souple, se façonne en différentes formes, la plupart du temps ronde. La bille est alors brune déjà un peu dure car séchée au soleil. Après une petite cuisson qui lui donne une plus grande dureté, la perle est peinte manuellement avec dextérité. Ils enfilent la perle sur une tige, la main gauche impulse un mouvement de rotation et à l’aide d’une plume de poulet, la main droite dessine des traits parallèles de couleurs. Les peintures utilisées sont toutes naturelles à base de roche ou de plantes. Par exemple la jeune feuille de Teck donne par broyage un jus d’un rouge intense, la feuille de Kinkalba un vert sauterelle. Le Kaolin fournit le blanc. Les perles restent de simples perles ou alors sont assemblées pour former des colliers, pendentifs et autres porte-clés. Là également nous n’avons pu voir toute la chaîne de fabrication de l’extraction de l’argile aux perles brillantes, là également, à part la séance arrangée de peinture, nous sommes directement passés à la case souvenirs.

 

 

 

Entre la graine et le beurre de karité, il y a un travail insoupçonné, que je ne connaissais pas avant de rentrer dans cette fabrique. Déjà, je n’avais jamais vu de graines de karité. Tout commence avec la cueillette des fruits. L’étape suivante est le dépulpage. On sépare la chair de la noix. La chair est assez épaisse et tendre. C’est un fruit comestible. On fait bouillir les noix de karité puis on les laisse sécher au soleil. On enlève la coque des noix pour récupérer les amandes à l’intérieur. Les amandes sont grillées puis broyées au moulin. La “poudre” d’amandes de karité est mélangée à de l’eau. La partie la plus fatigante commence : les femmes malaxent la pâte de karité jusqu’à un changement de couleur (du jaune au blanc ivoire). De l’eau est ajoutée pour séparer l’huile des impuretés. L’huile est bouillie puis on la laisse reposer. Une fois à température ambiante, l’huile s’est transformée en beurre de karité. Je savais qu’on utilisait le beurre de karité en cosmétique, ici en Côte d’Ivoire, ils l’utilisent également en cuisine, en friture. Dans cette fabrique où tout avait l’air sale, le jaune brillant du beurre sur la terre boueuse me faisait penser aux pépites d’or dans leur gangue.

 

 

 

A Korhogo nous sommes dans le pays Senoufo. La Côte d’Ivoire comportant une soixantaine d’ethnies, nous sommes au pays fondé par le chef de tribu Nanguin Soro au 16° siècle. Le pays Sénoufo est réputé pour ses richesses artisanales et artistiques. Une statue Sénoufo datée fin 19ième s’est vendue dernièrement 12 millions d’Euros à New York. Chez Souleymane vous pourrez peut-être dénicher la perle rare, il faudra avoir l’œil. J’y ai vu des dizaines de statues, plus belles que la Debele Senoufo à 12 millions, qui dorment là. Souleymane, antiquaire, passe son temps à arpenter les villages de la région et récupère ou achète les objets de culte, de danse, d’art mais également les meubles de tous les jours comme les tabourets qu’il entasse et entasse encore dans les quelques pièces de sa maison où il est difficile de pénétrer pour cause d’encombrement. Il rêve de créer un musée pour pouvoir bien exposer, mais il vend également car il faut bien vivre. Il est intarissable sur tous les objets qu’il possède, démontrant au passage sa grande connaissance sur l’art les rites et traditions de son pays. Est ce la pénombre, le mystère des choses non révélées, mais à défiler devant ces masques anciens qui vous dévisagent, je ne me sentais pas à l'aise.

 

 

 

C’est également dans cette région du nord qu’on peut voir des villages africains traditionnels comme à Niofouin. La route qui y mène est une piste rouge. Aux abords, la modernité anguleuse des maisons ne choque pas la vue. Plus loin, au coeur de l'ancien village, la traditionnelle rondeur des huttes de terre charme le regard. Et puis il y a cette douceur presque charnelle des murs et la tignasse raide des toits en paille noircie par le temps. Les huttes d’habitation ont un plus grand diamètre. A l’intérieur c’est tellement nu que cela frôle la zénitude : un coin pour l’âtre, mais peut-on parler de coin dans un espace circulaire, un autre un recoin pour le rangement, au centre, de la place pour étendre la natte à même la terre battue. Il n’y a pas de cheminée pour évacuer la fumée, les branches du toit disposées en rayons et la paille au-dessus sont noires de suie. Les huttes de petit diamètre sont des silos à grains, on y accède par le haut grâce à une échelle. La grosse hutte avec le toit conique le plus haut est la case au fétiche ; l’entrée est réservée. Le lieu public par excellence est la case aux palabres, avec sa toiture épaisse de branches entremêlées et ouverte aux 4 vents ; il y fait bon palabrer.

 

 

C’est le pays du Poro, bien avant la venue des religions  catholique et musulmane, il fallait des préceptes de vie en communauté, d'où on vient où on va, y a t il quelqu'un au dessus de nous. Le Poro est un véritable parcours initiatique d’enseignement de vie que tout jeune doit traverser pour parvenir à être un adulte accompli. Société initiatique organisée en classes d’âge qui recueille et transmet le savoir collectif relatif à la connaissance du monde. Cela se présente comme une initiation progressive répartie sur 21 ans en 3 cycles de 7 années. Enseignement avec un esprit très militaire, très collectif, avec ses règles de respect envers les aînés, avec méditation sur la condition humaine. Tout cet enseignement se fait dans l’enceinte du Bois Sacré où seuls, les initiés peuvent entrer. Le monde moderne a bousculé tout ça, mais quand même. En Afrique surtout, les animaux dont l’homme, les choses, les phénomènes naturels sont régis par une âme, un principe spirituel. On côtoie continuellement le sacré ; il y a des forces qui nous dépassent. Pour amadouer les présences obscures, il y a les rites, les danses qui le sont également, les sacrifices au pied du Rocher Sacré.

 

 

Nous quittons la région du nord pour redescendre vers Dabou. En chemin, nous faisons un petit crochet vers Ahouakro voir un site qui m’a fait penser au Sidobre, à l’est d’Albi. Un Sidobre africain avec ses grosses masses de granit aux formes animalesques qui font se poser des questions aux hommes qui donnent des réponses car ceux-ci peuvent difficilement vivre avec des questions sans réponses. L’homme qui nous sert de guide est très disert, même si je n’ai pas pris ses dires pour argent comptant ; je pense que chez lui, l’imaginaire doit côtoyer étroitement la vraie réalité. Les roches sont, quant à elles bien dures, bien lisses et impressionnantes. Chemin faisant dans ce parc réservé d’après lui, on rencontre un jeune berger avec un gros troupeau de zébus ; il paraîtrait que ce dernier serait Ghanéen, un nomade promenant ses bêtes un peu partout sans se soucier des frontières comme le faisaient les tribus d’antan, mais surtout sans respect pour rien. Je me suis souvenu d’un passage lu sur le seul guide parlant de la CI qui disait que le président Houphouët encourageait  l’immigration massive des pays voisins et notamment du Burkina Faso, en décrétant que la terre appartenait à celui qui la mettait en valeur.

 

 

Dès que l’on quitte l’autoroute, la circulation devient épique, principalement à cause de l’état de la chaussée. C’est le cas en prenant la route qui quitte l'autoroute et coupe vers Dabou ; pourtant, sur la carte elle porte le matricule A1. La DDE locale semble inactive pour combler les trous parfois énormes, tout au plus, elle jette dans le trou une plante verte assez haute pour qu’elle émerge et signale aux conducteurs pressés qu’il y a danger. Là, c’était dantesque : la voiture venant en face disparaissait de notre vue quand elle descendait dans son trou et qu’au même moment nous descendions dans le nôtre. Elle ressurgissait soit à gauche soit à droite de la route sans logique sûre. Francis nous disait que la première fois qu’il était passé par là, peu rassuré, il avait fini par faire demi-tour. Notre chauffeur était du genre têtu, regardait la topologie du terrain et choisissait le tracé le plus sûr sans trop écouter les gémissements du châssis qui devait vriller aux limites. Heureusement qu'il ne pleuvait pas, car il nous aurait fallu un 4X4 pour se sortir du probable bourbier. La route a été longue, nous sommes arrivés tard à l’hôtel qui n’était pas situé sur l’artère principale donc au bout d’une rue en latérite défoncée.

 

 

L’hôtel Ebakan de Dabou fut notre camp de base. C’est à partir de là que nous avons rayonné à l’ouest, au sud et à l’est. Dabou, aux dires du guide qui nous avait fait découvrir le nord, est un trou perdu où il n’y a rien à voir et qu'il ne figure dans aucun de ses itinéraires découvertes C.I. Pourtant, cette petite ville  aussi connue sous le nom de Leboutou, est l’un des plus anciens postes militaires installés par l’armée française. Là, se situe un fort édifié par Louis Faidherbe en bordure de la lagune Ébrié dans les années 1852 ; la maçonnerie était de qualité car encore de nos jours, il n'est pas délabré. 2 canons subsistent sur le toit, pointés vers la lagune. C’est le seul monument de ce genre en Côte d’Ivoire. Ce monument, comme la plupart des bâtiments construits au temps de la colonisation, est à l’abandon, sans plaque commémorative. Si vous trouvez des renseignements relatifs à ces lieux c’est que vous avez eu la chance de tomber sur un de ses squatteurs, au fait de l’histoire de la C.I. Sur la terrasse, la vue sur la lagune est panoramique avec, en premier plan, des arbres immenses qui ont dû voir Faidherbe. Pas loin du fort, les bâtisses coloniales sont conformes aux cartes postales anciennes.

 

 

A Dabou nous avons entraperçu la vie de tous les jours des Ivoiriens habitant une petite ville. Cela m’a fait penser à la vie d’autrefois en France. Les quartiers ont encore leur notion d’entité qui les différencie des autres. Il y a encore des chefs à leurs têtes. Les petites boutiques disséminées au milieu des maisons particulières où on peut laisser une ardoise en toute confiance, le petit bar maquis où nous devenons des habitués, les cahutes de coiffure posées çà et là. Les rues sans trottoir et sans goudron où se vautrent chiens et poulets. Nous y déambulions tous les jours en saluant tous les gens qu’on croisait. Nous sommes un peu en périphérie, pour rallier le centre de Dabou, il faut prendre un taxi. Il y en a plein qui circulent continuellement toute la journée, prenant un client là pour l’amener là-bas et l’échanger avec un autre. Il sont tous rouge et sont quasiment que des Mercedes. Il existe des mini-bus taxi aussi mais ceux-là ont un trajet plus rigide et ne sortent pas des grands axes. Ils ont en commun un état de vétusté remarquable, les voitures rebutées en Europe retrouvent une énième vie ici. Ces moyens de locomotion pallient le manque de voitures particulières.

 

 

Au centre-ville, le marché, où tout se vend et tout s’achète et où le spectacle est permanent, est bondé du matin au soir. Au premier abord, on se sent perdu, au 3° arpentage, on trouve ses repères. La densité de la foule dépend de l'heure et à nos heures il y a du monde. Les secteurs les plus colorés sont les étals de fruits et légumes et ceux des tissus. Les secteurs les plus odorants sont ceux des poissons ; on trouve beaucoup de poissons fumés en forme de ronds.  Le secteur des viandes est particulièrement agressif, il faut avoir le cœur bien accroché. J’ai remarqué le manège de la vendeuse d’escargots, énormes en CI : chaque fois qu’il y en a 1 qui sort de sa coquille, elle lui donne un coup de balayette et les tas restent immobiles sur la toile tendue à terre. Le secteur habillement est le plus animé, les vendeurs rivalisent de vociférations, de gestuelles pour accrocher les chalands, les T-shirts lancés en l’air en vrac attirent les regards. Beaucoup de stands de smartphones aux noms exotiques. Les Ivoiriens, comme dans beaucoup de pays dits en voie de développement, ont sauté le stade des téléphones fixes ; ils possèdent tous leur téléphone portable, tous avec  l’écran fendillé.

 

 

 

On voulait voir Grand Lahou et surtout vivre quelques jours durant sur une toute petite île déserte située dans la lagune Tagba. C’est dans cette lagune que débouche le grand fleuve Bandama qui traverse tout le pays et qu’actuellement se trouve la passe qui communique avec l’océan. Vivre en Robinson, qui n’en rêve pas ? Un petit bateau nous débarque, nous et nos bagages, sur le ponton et la tranquillité nous tombe dessus comme le sable du marchand de rêve. La découverte des lieux est excitante, la cabane surélevée en prévision des débordements marins est confortable. La chambre ouverte aux 2 vents, cosy, d’un côté vue sur l’eau, de l’autre également. Sur la grande terrasse couverte est installée la table massive où 30 convives peuvent s'asseoir. La cuisine bien fournie est équipée au standard moderne. Il n’y a que les commodités qui rappellent le côté Robinson : pas d’eau courante ; c’est une casserole qui fait office de douche avec de l’eau de pluie et pour les toilettes, on puise l’eau de la lagune. On a quand même l’électricité en 12V. Les cabanes avec une mini plage de sable blond sont d’un côté de l’île, la mangrove où se cachent les crabes mange l’autre partie.

 

 

Dans la lagune autour de l’île, du matin au soir, les pirogues vont et viennent, occupées à pêcher à l’épervier. Ils sont souvent 2 sur la pirogue faite d’un tronc creusé, l’un manœuvrant la perche et l’autre jetant le filet d’un geste ample sur l’endroit où précédemment il a jeté une boule d’appât. La lagune n’est pas profonde, encombrée par le sable charrié par le fleuve d’une part et l’océan entrant à marée haute d’autre part. Aller d’un point à un autre dans la lagune n’est pas simple, ce n’est jamais la ligne droite, il faut éviter les hauts fonds mouvants. Seuls les gros bateaux passent la passe pour pêcher au large. Les occupants des bateaux sont pour la plupart des Ghanéens. Remonter le filet à la force des bras quand la houle secoue la coque de noix demande des efforts que peu d'Ivoirien accepte. Tous les soirs, sur une plateforme aménagée, sur des transats, nous assistions au ballet du retour.  La lagune a l’air poissonneux. Un matin, alors qu’une pirogue levait les filets près de la mangrove, Kaddy a bondi pour négocier une bassine de poissons frais. A midi, ce sera poissons et aubergines braisés accompagnés d’attiéké. Un feu s’allume facilement avec l’écorce de noix de coco et des rameaux séchés de palétuvier.

 

 

Près de la passe actuelle, car cette dernière se déplace de l’est vers l’ouest, est implanté le Vieux Lahou pour combien de temps encore ? Il y a 1 siècle quand, à cet endroit, a été bâti un comptoir français, la bande de sable faisait près de 2 kilomètres. Cette bande qui sépare l’océan de la lagune se réduit de plus en plus ; il est aisé aux grosses vagues de la traverser. L’église très délabrée est encore en place mais le cimetière est submergé par les flots à presque toutes les grosses marées d’hiver. Beaucoup de tombes n'ont plus leur occupant. Pourtant la vie s’accroche au Vieux Lahou. Le curé se bat pour qu’on finance la restauration de son église en vain.  L’île Robinson se trouve de plus en plus face à l’océan, les cabanes seront inexorablement balayées un jour ou l’autre. Le propriétaire des cabanes uniquement car l’île appartient à la commune du Vieux Lahou a fait surélever les habitations et renforcer la pointe de l’île pour contenir les futurs assauts des vagues. Des travaux ont bien été entamés sous la présidence de Laurent Gbagbo afin d’ouvrir une nouvelle embouchure à dix kilomètres de là, malheureusement la crise post-électorale de 2010-2011 a laissé ce dossier en souffrance.

 

 

La « balade vietnamienne » en Côte d’Ivoire, il fallait oser ; en fait, une balade en pirogue dans la mangrove pas assez noyée cet après-midi là. La pirogue trop lourde et trop longue pour se faufiler dans ce couloir de racines s’embourbait par endroits où il fallait que l’équipage pousse une fois hors de l'embarcation, les jambes dans la boue, faisant remonter des miasmes horribles qu’une flamme aurait pu tout enflammer. A plusieurs moments, j’ai cru qu’il  fallait rebrousser chemin. L’équipage était tenace et on avançait vaille que vaille, eux qui poussaient, nous au sec qui tirions sur les racines autour. Surtout on n’y a rien vu, pas trace de vie aucune. Le Parc National d’Azagny également ne vaut pas le détour, la marche silencieuse nous a seulement fait entendre un cri d’alerte du chef de la soi-disant bande de Mone de Campbell. Du haut du mirador qui donnait sur la portion de savane, on n’a rien vu venir, à croire que toute vie sauvage a été décimée. L’agent, lieutenant, qui servait de guide a toutefois été très volubile une fois qu’il a mis les choses au point parce que l’un d’entre nous lui a attribué le grade injurieux de garde forestier. En guise de consolation, pour atteindre le parc, ce fut un chouette tour nautique sur le Bandama et le canal d'Azagny.

 

 

Le seul contact de loin qu’on ait eu avec la vie sauvage a été la rencontre avec le Chimpanzé Ponso retenu sur une île au milieu de la rivière Bandama. En arrivant sur le bord du fleuve où il n'y avait personne, après un moment passé à scruter l'autre rive, j'ai aperçu dans un feuillage vert penché sur l’eau, sa silhouette noire vite disparue. L’instant m’a paru magique. En traversant sur une pirogue l’étendue d’eau pour rejoindre l’île, je pensais au film King Kong de Peter Jackson ; je rêve trop. Ponso est déjà vieux. A 3 mètres de lui, dans ma pirogue, j’ai croisé son regard qui m’a semblé très triste, peut-être parce que seul sur cette île, seul survivant d’une troupe de 20 individus. On n’a pu l’approcher, seule la personne qui s’occupe de lui a accosté pour lui donner à manger ; elle portait un masque pour ne pas le contaminer. Ponso a pris un fruit et est parti manger plus loin puis est revenu, a frotté furtivement sa tête contre la tête de l'homme et s'en est allé dans les profondeurs vertes. En vingt ans, la population de chimpanzés a chuté de 90 % en Côte d’Ivoire et plus de la moitié des espèces africaines sont menacées de disparition à cause du braconnage et de la déforestation.

 

 

 

Mon image d'Epinal de l'Afrique était les bêtes sauvages en liberté dans de grands espaces verts zébrés de pistes en latérite rouge sang. Pour les safaris-photos il faut choisir un autre coin que la CI. L'emblème du pays, l'éléphant, est moribond; un batelier nous a raconté qu'étant petit il avait vu des Lamentins dans le fleuve Bandama. En cause, classiquement, la déforestation à outrance, la chasse de "sport " à un moment donné, qui interdite a ouvert la voie au braconnage, la pollution, le changement climatique, etc... La forêt primaire n'existe pratiquement plus. La plus belle forêt d'Afrique de l'ouest a été exploitée et surexploitée. Il subsiste çà et là de beaux spécimens. Leur taille est inimaginable pour des habitués des forêts françaises. Stature d'une cinquantaine de mètres, tronc de diamètre tel qu'on pourrait habiter à l'aise dedans, rendent l'homme humble. Beaucoup ont des renforts à la base, genre de nervures qui doivent les aider à rester debout malgré la tempête. Cette caractéristique fait qu'il est difficile de les distinguer les uns des autres, le grand Fromager lui se particularise par des épines à la base du tronc. Les baobabs n'ont, vu leur embonpoint, nullement besoin de ces artifices.

 

 

Après cette excursion à l’ouest, une petite au sud. Jacqueville au bord de l’Atlantique donc exposée aux rouleaux costauds. On se contente de bains de pieds mais en général les Ivoiriens n’aiment pas trop se baigner, ne sachant pas nager. On accède à la plage, passage obligé, par un bar restaurant maquis où l’on se sent invité à consommer. Souvent la musique est à fond, musique qui ne laisse pas les Ivoiriennes insensibles. Les plages sont arpentées par des vendeurs de toutes sortes, lunettes, montres, pagnes, cacahuètes conditionnées en bouteille tout comme les noix de cajou et les paillettes de coco grillées. Elles sont arpentées également par des chanteurs qui improvisent des chansons rythmées en fonction des personnes présentes. Jacqueville n’a pas encore la renommée de Grand-Bassam mais est en passe de l’être. Grand-Bassam, plus à l’est, plus proche d’Abidjan est plus touristique, plus huppée mais dans le fond offre la même chose.

 

 

Mais Grand-Bassam en plus d’être une station balnéaire, certes en vogue, a un passé plus glorieux, peut-être seulement aux yeux des Français. Ce fut la première capitale de la colonie de Côte d’Ivoire, les vestiges historiques y sont nombreux. Bâtie sur une île et reliée à la terre ferme par un pont, son organisation urbaine est typique de la période coloniale : quartiers spécialisés en zones dédiées au commerce, à l’administration, à l’habitat européen et l’habitat dit autochtone, le tout au sein d’un réseau urbain où la végétation est omniprésente. L’architecture coloniale y est sobre et fonctionnelle : grandes villas à étages avec de hauts plafonds, de larges ouvertures en galeries et des vérandas pour la ventilation des pièces. Grand-Bassam fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2012, en partie parce qu’elle présente un exemple d’ensemble architectural illustrant une période significative de l’histoire humaine.  Hélas, en m’y promenant, j’ai pu constater que la manne financière de l’Unesco n’a pas produit ses effets ou qu’elle a été détournée par certains pour d’autres buts. Les grands bâtiments typiques restent en l’état, parfois à l’état de ruines. Grand-Bassam aurait méritée une visite plus approfondie, pour connaître l'artisanat et l'art africain entre autres, un grand bâtiment à l'entrée de la ville leurs est consacré.

 

 

 

Avant de partir, il fallait aller faire un tour à la grande ville, la capitale économique, Abidjan qui compte au moins 5 millions d’habitants. Nous sommes restés cantonnés jusqu’à présent dans notre petite ville de Dabou. Je m’étais habitué à la relative saleté des rues, à la poussière omniprésente, au laisser-aller généralisé, aux vieux taxis cacochymes fumants et puants, aux rues adjacentes non goudronnées. Les périphéries d’Abidjan sont pires avec une population encore plus dense. Passé cette frontière, il y a du changement, le standard européen s’impose, le dépaysement est moindre. Dommage qu’on n’ ait pas eu le temps de voir les principaux quartiers : Cocody, Marcory, Treichville…on s’est contenté du Plateau avec ses gratte-ciels et la grande Cathédrale aussi moderne que la Basilique de Yamoussoukro, mais plus petite. A Abidjan se trouve la forêt du Banco, poumon de la ville. Sa visite n’est pas obligatoire car rien n’y est mis en valeur et il n’y a pas grand-chose à voir à part les silures à l’entrée dans la rivière.

 

 

 

Grâce aux amis de nos amis, nous avons pu côtoyer des gens du cru, partager un peu la vie de tous les jours. Nous avons trouvé qu’en général les Ivoiriens sont ouverts, simples, communicatifs, joviaux. Les souhaits de « Bonne Arrivée » sont souvent sincères. Les « Akwaba » de bienvenue aussi. Ils ont le sens de la famille au sens large, quand ils parlent de frères, petits frères et de sœurs, grandes sœurs, ce n’est pas forcément par les liens de sang. Ils s’entraident dans cette famille élargie et sont surpris de l’individualisme européen. La population est multiethnique et les mariages interethniques fréquents, le brassage réel. Ils croient tous en un être suprême, qu’ils soient catholiques, protestants, musulmans, témoins de Jéhovah ou autres, la majorité d’entre eux sont pratiquants, la bénédiction avant repas ce n’est pas du cinéma et le dimanche, les églises ont encore du monde. Mais il y a aussi le rackette permanent des policiers vis-à-vis des chauffeurs de taxis, la conduite au volant dangereuse, les hauts murs entourant les maisons dressés de tessons de bouteille, les vols par des gens pourtant du voisinage, les prix toujours majorés, l’insécurité la nuit... Et puis il y a cette pollution de l’air et de l’eau qui n’effleure pas pour le moment beaucoup d’âmes; c'est surprenant de voir qu'ils ne voient pas les petites poches poubelles multicolores qu'ils foulent au pied. Mais bon ça va aller.

Au moment de partir, un des amis m’a confié un cadeau, de l'attieké que je devais remettre à une « sœur » résidant en France, celle–ci n’ayant pu trouver un créneau a dépêché un « frère » qui habitait près de chez moi pour venir chercher le dit cadeau. L’homme d’un certain âge, Ivoirien, vivant en France depuis longtemps et exerçant le métier de feutier m’a paru de suite très sympathique. Feutier est un travail qui ne peut exister qu'à Lourdes. Quand je lui ai demandé s’il comptait revenir au pays à la retraite, a de suite répondu par la négative pour des raisons d’insécurité, de corruption généralisée et de troubles latents. Mais bon, ça va aller, un peu, un peu.

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

Pour quelques photos de plus...

Part1 

Part2 

Part3 

<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<